Chapître : Le temps des élections (2020)
2 - L'affrontement avant
l'élection à la présidence de la communauté de communes
Le 18 mai 2020, sans
attendre le résultat du deuxième tour des élections municipales,
sans attendre donc l'élection du président de la communauté de
communes et la mise en place d'un nouveau conseil communautaire,
Christophe Chabot avait relancé la consultation pour les travaux de
construction du port de plaisance de Bretignolles-sur-Mer avec comme
date limite le 22 juin 2020, l’appel d’offres lancé le premier
août 2019 ayant été déclaré sans suite pour cause de dépassement
du coût objectif par les entreprises ayant répondu.

Cette relance avait
provoqué une vive réaction des associations qui demandaient que cet
appel d'offres soit stoppé. Vincent Pipaud, le trésorier de la LPO
d'alors, également candidat aux municipales à Saint-Hilaire-de-Riez
sur la liste de Kathia Viel, rappelait aussi que les élections
n'étaient pas terminées, il restait un deuxième tour à
Saint-Hilaire de Riez et à Commequiers, et « un certain nombre de
voix se sont exprimés en opposition à ce projet », il ajoutait «
à l’heure de la crise sanitaire, nous, écologistes, appelons à
l’établissement d’un projet de territoire qui permette la
relance économique tout en accompagnant la transition écologique.
L’argent public va être réduit, il faut privilégier des projets
permettant un équilibre économique, social et écologique. Le port
sera un boulet au pied. Il faut stopper cet appel d’offres et j’en
appelle aux élus du territoire, il est temps de réagir ». Il avait
aussi précisé : « on a toujours voulu privilégier le dialogue
avec les élus, notamment Christophe Chabot, sans participer au
dénigrement sur internet, et d’ailleurs on souhaite toujours
discuter, mais, là il franchit les étapes trop vite. Il banalise
l’appel d’offres en disant qu’il n’y aura pas de vote avant
octobre, mais un appel d’offres c’est très précis, il sait ce
qu’il veut. En plus, des lots ont été retirés pour rentrer dans
le budget de 30 millions d’euros imposé par le préfet. Pourtant,
certains travaux retirés devront être menés ».

Le 24 juin 2020, les trois
associations environnementales investies dans le Pays de
Saint-Gilles-Croix-de-Vie, France Nature Environnement (FNE), la
Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et le Comité pour la
protection de la nature et des sites (CPNS) avaient lancé un appel
aux élus du Pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie au dialogue et à la
concertation : « la crise du coronavirus nous met dans l’urgence
d’intégrer les dimensions environnementale, économique et sociale
dans tous les projets qui émergeront. Nous ne voulons pas aller
contre la relance économique nécessaire. Au contraire, nous
souhaitons y intégrer la dimension écologique et sociale pour créer
une vraie résilience de notre territoire. ». L'association La Vigie
avait aussi adressé une lettre aux élus pour les informer sur les
risques encourus avec un projet de port de plaisance conduit par la
communauté de communes sans dialogue et sans concertation avec les
associations environnementales.
Le 30 juin 2020,
Christophe Chabot, se voyant probablement, à cette date, candidat
unique à la présidence de la communauté de communes du Pays de
Saint-Gilles-Croix-de-Vie, adressait sa lettre de candidature aux
élus communautaires :
« Bien sûr, je n'ignore
pas les questionnements ou les doutes de certains d'entre vous sur le
projet de port à Bretignolles-sur-Mer. Ce projet déchaîne les
passions. Ceux qui le dénigrent n'ont jamais lu la moindre page du
volumineux dossier que nous avons présenté avec succès à toutes
les autorités concernées.
Il est vrai que la
complexité d'une telle opération n'est guère compatible avec les
exigences de simplicité et d'instantanéité des médias et des
réseaux sociaux, qui guident désormais l'opinion publique en dépit
de toute rationalité. Aujourd'hui la moindre contre-vérité qui se
répand sur la toile a plus d'impact que la démonstration argumentée
d'un scientifique.
Si certains élus, à tous
les niveaux, ont cédé à la facilité en s'adaptant à cette
nouvelle forme de gouvernance, je considère pour ma part que notre
responsabilité va bien au delà. Concernant le port de
Bretignolles-sur-Mer, la question que nous devons collectivement nous
poser est de savoir si ce projet est pertinent et légitime et si son
intégration environnementale est conforme aux réglementations en
vigueur.
Les polémiques des
derniers mois ont révélé un déficit de communication envers nos
populations et particulièrement les élus communaux du Pays de Saint
Gilles Croix de Vie. J'en porte l'entière responsabilité. Ne pas
répondre systématiquement aux bêtises diffusées dans les journaux
fut le choix de la sérénité nécessaire à l'avancement d'un tel
dossier. En dehors de toute polémique inutile, nous avons concentré,
avec succès, notre énergie à convaincre les décideurs de
l'exemplarité de ce projet. Vous reconnaîtrez qu'il y a un paradoxe
invraisemblable entre l'analyse objective des services de Nicolas
Hulot et les propos tenus par certains et relayés dans une presse
partisane.
Ainsi par exemple, Ouest
France indique aujourd'hui même que les associations
environnementales regrettent de ne pas être associées en amont de
ces projets, alors que nous sollicitons depuis 15 ans FNE et le CPNS
pour échanger sur notre dossier „. sans aucune réponse de leur
part.
Cela étant, il nous faut
désormais corriger cette carence de communication. C'est pourquoi,
si vous m'accordez votre confiance, je m'engage à proposer à chaque
maire du territoire l'organisation, chaque semestre, sur sa commune
de réunions avec les élus et/ou la population.
Dans un format défini
avec chacun d'entre vous, la communauté de communes viendra
au-devant des populations pour mieux se faire connaître.... et
reconnaître.
Faire reconnaître
l'importance de notre belle collectivité sera l'un des grands
travaux que je vous proposerai de mener ensemble.
C'est donc un plan de
charges dense et passionnant qui nous attend et cette brève lettre
n'en donne qu'un modeste aperçu. Vous le comprendrez., la conduite
du Pays de Saint Gilles Croix de Vie durant les 6 années qui
viennent exige un président à temps plein.
Si vous m'en donnez la
possibilité, c'est avec plaisir et enthousiasme que je me
consacrerai pleinement à ce seul mandat, dans l'intérêt de tous
les habitants du Pays de Saint Gilles Croix de Vie. »
Le 2 juillet 2020, après
son élection, au second tour, à la tête de la mairie de
Saint-Hilaire-de-Riez le 28 juin 2020, interrogée par un journaliste
du Courrier de l'Ouest, Kathia Viel annonçait : « le projet de port
à Bretignolles doit impérativement s'arrêter, afin de privilégier
la relance de l'emploi, le soutien au tourisme et la défense contre
la mer ». Forte de ses 11 sièges à l'intercommunalité (9 pour la
liste de Kathia Viel et 2 pour celle de Laurent Boudelier), la
commune de Saint-Hilaire-de-Riez entendait désormais peser de tout
son poids sur le dossier de port de Bretignolles-sur-Mer.
Le 3 juillet 2020, c'était
la grosse surprise, François Blanchet, maire de
Saint-Gilles-Croix-de-Vie, annonçait, dans les journaux locaux, sa
candidature à la présidence de la communauté de communes du Pays
de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, face à Christophe Chabot : « nous
avons échangé dernièrement, notamment autour du port de
Brétignolles, et nous n’avons pas la même stratégie à ce sujet.
Je respecte son avis, mais j’ai aussi mes convictions ».
Dans sa lettre de
candidature adressée aux élus communautaires, François Blanchet
indiquait : « la crise sanitaire que nous venons de traverser nous
oblige à repenser totalement notre projet de cohérence
territoriale. Il est essentiel d’être aux côtés de nos
entreprises, de leurs dirigeants et de leurs salariés pour sortir de
cette crise sans précédent », expliquait : « par le passé, j’ai
toujours soutenu le projet de port de plaisance de
Bretignolles-sur-Mer et voté en sa faveur au sein de la communauté
de communes. Nous devons désormais, tous en conscience, revoir nos
priorités. Ainsi, il me paraît aujourd’hui trop hasardeux
d’engager plusieurs dizaines de millions d’euros dans cet unique
projet. Je pense très sincèrement que nous devons prendre le temps
de la réflexion pour nous recentrer sur l’intérêt général,
accompagner nos entreprises sinistrées par la crise, et être aux
côtés de nos habitants pour soutenir les plus fragiles ».
Il se
disait prêt à proposer un moratoire au conseil communautaire sur le
projet de port de Bretignolles et, même, à organiser un référendum
sur les 14 communes du Pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.
François
Blanchet inscrivait sa candidature dans une volonté de développer
un « nouveau mode de gouvernance, qui permettra de bâtir de façon
collégiale notre projet politique » et souhaitait ouvrir
l'intercommunalité à un mode de fonctionnement plus participatif :
« au delà des réunions de bureaux et des conseils communautaires,
qui restent très institutionnels, il nous faut mieux articuler les
groupes de travail et les faire vivre de façon nouvelle […] Parce
que notre population résidente augmente régulièrement, une
nouvelle étape pour le Pays de Saint-Gilles sera certainement le
passage en communauté d’agglomération. Cette évolution
importante se fera ensemble, dans une large concertation sur le
territoire »
Le 4 juillet 2020, dans le
journal Ouest-France, Christophe Chabot réagissait violemment à la
candidature de François Blanchet : « cette candidature est une
trahison. Je suis triste et en colère face au comportement de
François Blanchet. Il donne des raisons économiques mais stopper le
projet c’est justement couper les ailes aux entreprises du
territoire qui attendent ce dossier. ». La guerre de succession
était déclarée.
Le 5 juillet 2020,
Christophe Chabot était interviewé par une journaliste de
Ouest-France et sonnait la charge contre François Blanchet :
« La journaliste : Quelle
est votre réaction face à la candidature de François Blanchet ?
Christophe Chabot : C’est
une trahison. Je suis dans la surprise et l’abattement d’avoir
perdu un ami. Il y a quinze jours, je lui ai proposé de prendre ma
place à la seule condition de ne pas cumuler avec son mandat de
conseiller régional. À l’époque il était toujours favorable au
projet de port de Bretignolles-sur-Mer, il a refusé. Désormais nous
sommes dans une guerre fratricide, le Pays de Saint-Gilles va être à
feu et à sang.
La journaliste : Que
pensez-vous de sa proposition d’un moratoire sur le projet de port
?
Christophe Chabot : je
suis surpris de sa posture catégorique. Il ne laisse aucune chance à
ce dossier qui a toujours été voté par les élus.
François Blanchet me dit
que les nouveaux maires ne veulent pas de ce port. Ce n’est pas
vrai mais j’en prends acte. Je propose que les dix nouveaux maires
décident de l’avenir du projet de port sans moi. Pendant que les
appels d’offres se déroulent, les nouveaux maires travaillent sur
le dossier pendant six mois via une commission spécifique et ensuite
donnent leur avis. Je n’ai aucun souci avec ça. C’est la
démocratie. Je ne vois pas comment François Blanchet et ses
nouveaux amis de gauche peuvent refuser un tel accord démocratique.
J’ai toujours fait comme ça, y compris avec les associations, il y
a toujours eu du dialogue, de la proposition, la réalité elle est
là.
Enfin, il dit que pour des
raisons économiques, nous ne pouvons pas investir dans le projet de
port mais il coupe les ailes aux entreprises du Pays de Saint-Gilles
qui attendent ce dossier.
La journaliste : Que
pensez-vous de sa proposition d’un nouveau « mode de gouvernance »
?
Christophe Chabot : J’en
pense que l’on fait ça depuis toujours avec le conseil de
citoyenneté qui se réunit régulièrement. Tous les conseillers
municipaux peuvent participer à toutes les commissions. Dans la
lettre que j’ai adressée aux élus, je m’engage à proposer à
chaque maire du territoire l’organisation chaque semestre sur sa
commune de réunions avec les élus et/ou la population. La
communauté de communes viendra au-devant des populations pour mieux
se faire connaître et reconnaître.
La journaliste : Quels
sont vos projets ?
Christophe Chabot : Il y
en a beaucoup. Une crise économique se profile mais on ne va faire
pas d’annonces alors qu’on n’en connaît pas l’ampleur. On va
attendre de savoir ce qu’il se passe du côté de Bénéteau et
comment va se passer la saison touristique.
La journaliste : Vous
défendez aussi le passage en communauté d’agglomération…
Christophe Chabot : On n’a
pas le choix, ce n’est pas la peine d’en faire un argument de
campagne. Mais il y a plusieurs façons de le faire : privilégier
les grandes villes de notre territoire ou au contraire les autres »
Le 5 juillet 2020,
François Blanchet, interviewé par la même journaliste de
Ouest-France, répliquait :
« La journaliste :
Pourquoi avoir proposé votre candidature contre celle de Christophe
Chabot ?
François Blanchet :
Christophe Chabot et moi-même n’avons pas la même vision des
choses. Je préfère défendre mes idées. Que le meilleur gagne
La journaliste : Il dit
vous avoir proposé le poste il y a quinze jours…
François Blanchet : Dans
ce cas pourquoi maintient-il sa candidature ? Non, il m’a proposé
le manche une fois que le port de Bretignolles-sur-Mer serait fait
mais ce n’est pas l’idée d’un marchandage de poste qui me fait
avancer. C’est le projet de territoire. Mais contrairement aux
termes que Christophe Chabot peut employer, nous ne sommes pas dans
une guerre, il faut savoir raison gardée, c’est simplement la
démocratie.
La journaliste : Le point
de dissension principal c’est le projet de port de
Bretignolles-sur-Mer, porté par la communauté de communes depuis
2015…
François Blanchet : Par
le passé, j’ai toujours soutenu le projet de port de plaisance de
Bretignolles-sur-Mer et voté en sa faveur. Il me paraît aujourd’hui
trop hasardeux d’engager plusieurs dizaines de millions d’euros
dans cet unique projet. Nous devons prendre le temps de la réflexion
pour nous recentrer sur l’intérêt général, accompagner nos
entreprises sinistrées par la crise, et être aux côtés de nos
habitants pour soutenir les plus fragiles. Je proposerai donc
d’adopter un moratoire sur le projet et d’attendre le jugement
des recours avant d’aller plus loin. Si les élus le souhaitent,
nous pourrons également organiser un référendum dans les 14
communes du Pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie. Mais ma candidature ne
concerne pas que le projet de port.
La journaliste : Vous
appelez à un nouveau mode de gouvernance…
François Blanchet :
Pendant la campagne des municipales, on a entendu notre population
nous demander ce qu’était la communauté de communes et ce qu’elle
faisait. Or, il est probable que la communauté de communes devienne
une communauté d’agglomération qui prendra de plus en plus de
compétences. C’est un passage qu’il ne faut pas louper. Les
citoyens, les acteurs économiques et sociaux doivent y être
associés et il faut replacer les maires et les équipes municipales
au cœur du dispositif.
Au-delà des réunions de
bureaux et des conseils communautaires qui restent très
institutionnels, des commissions élargies pourraient voir le jour,
avec des personnalités extérieures et de la société civile ou des
spécialistes dans un domaine précis. Il y a des idées toutes
simples à mettre en place.
La journaliste : Une autre
méthode pour quels projets ?
François Blanchet : Les
projets seront à définir avec les élus. On sait que la communauté
de communes va devoir mettre la main au portefeuille à partir de
septembre pour être aux côtés de nos entreprises. Mais nous devons
aussi faire fonctionner le centre intercommunal d’action sociale à
plein et porter des projets respectueux de l’environnement et du
développement durable. »

Le 8 juillet 2020, dans le
Journal des Sables, Christophe Chabot chargeait de nouveau François
Blanchet et dénonçait le « calcul froid » de son rival : « c’est
un calcul froid et mathématique de quelqu’un qui se prend pour un
animal politique. Nous avons fait route ensemble depuis dix ans, sa
décision a été prise dans le dos de tout le monde, y compris de sa
majorité convoquée mercredi soir 1er juillet à 19 heures pour
apprendre la nouvelle. Maintenant il ne s’agit pas de sauver le
soldat Chabot mais de veiller à sauver le Pays-de- Saint-Gilles,
parce qu’il est impossible de faire effacer six millions d’euros
engagés et vingt années d’études et de travail par des gens qui
ne connaîtraient pas le sujet. Il faut travailler dans le sens de la
responsabilité de l’élu. Jamais les maires n’accepteront de
jeter ce dossier comme ça, François Blanchet dit aux gens ce qu’ils
ont envie d’entendre... J’ai le soutien de 10 maires pour
l’instant… François Blanchet et Kathia Viel (nouvelle maire de
Saint-Hilaire-de-Riez, ndlr) ont passé un accord, ils veulent
prendre le pouvoir et le tiroir-caisse… Il faut recoller les
morceaux le plus vite possible pour le Pays-de-Saint-Gilles mais je
ne pardonnerai jamais à François Blanchet »
La tension était montée
d'un cran à l'approche du conseil communautaire du 10 juillet 2020
devant désigner le président de la communauté de communes du Pays
de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.
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