Chapître : Le temps des élections (2020)
3 - L'élection à la présidence de la communauté de communes : le camouflet pour Christophe Chabot
La répartition des sièges tenait compte de la
population de chaque commune. Ainsi, Saint-Hilaire-de-Riez disposait
de onze sièges, Saint-Gilles-Croix-de-Vie en avait sept, quatre pour
Bretignolles-sur-Mer et Le Fenouiller, trois pour Brem-sur-Mer et
Commequiers. L’Aiguillon-sur-Vie, La Chaize-Giraud, Coëx, Givrand,
Landevieille, Notre-Dame-de-Riez, Saint-Maixent-sur-Vie et
Saint-Révérend en avaient deux chacune.
Il était clair que le
résultat des élections municipales à Saint-Hilaire-de-Riez, avec
un changement de majorité municipale, allait avoir un impact sur
l'élection du président de la communauté de communes.
De nombreuses personnes, partisanes ou
opposantes au projet de port de plaisance de Bretignolles, avaient
fait le déplacement sachant que l'enjeu était l'avenir du projet.
Avant l'élection
proprement dite, chaque candidat avait dix minutes pour défendre sa
candidature devant les élus communautaires.
Le premier discours était celui de Christophe Chabot :
« Moment de vérité tant
attendu
Ce soir vous allez devoir
départager non pas deux projets parce que François et moi n'avons
pas des visions si éloignées de notre territoire mais deux
méthodes, deux sincérités différentes. Quand François m'a
annoncé sa candidature, j'ai d'abord pensé m'effacer pour ne pas
risquer de fracturer notre territoire. Le manque d'élégance et la
réaction de mes collègues m'ont encouragé à me porter jusqu'à
vous ce soir. J'ai rencontré beaucoup de nouveaux élus et je pense
qu'il y a une façon de sortir par le haut de cette situation. Le
temps imparti par notre président ne permet pas de faire le bilan de
ces dix années, ce bilan vous le connaissez, il est simple, on a
tout réussi. Dans une ambiance exceptionnelle d'amitié et de
partage, avec une équipe non politisée, nous avons réalisé
l'ensemble de notre ambitieux programme. Notre communauté de
communes est cité en exemple sur sa gestion, son fonctionnement, ses
compétences. Dans tous les domaines, nous possédons les meilleurs
ratios du département. Sur les dix dernières années, nous sommes
l'intercommunalité qui a le plus construit de nouveaux équipements
dont 150 millions d'euros sur Saint-Hilaire-de-Riez et
Saint-Gilles-Croix-de-Vie, avec la plus basse fiscalité du
département, un bon bilan dont nous pouvons être fiers et, chers
collègues, nous avons fait du bon boulot.
En ne participant à
aucune, je dis bien, des 1000 commissions qui ont animé ce bilan, je
vous ai confié de vrais responsabilités. En validant 99% de vos
propositions, j'ai respecté votre travail et l'engagement que
j'avais pris de n'être que le coordinateur de votre action.Je dis
cela pour justifier une nouvelle gouvernance, le bruit a couru cette
semaine que je décidais tout seul. Merci du compliment en fait car
si j'ai décidé seul de ce qui vient d'être fait, depuis dix ans
dans notre pays, il n'y a pas photo, il faut continuer avec moi.
Je n'ai pas le temps non
plus de vous parler du joli coup de billard à deux bandes mis en
place, de longue date, par François pour se débarrasser de ses deux
amis, Laurent et moi-même, je dirai c'est du bel ouvrage. Lui vous
dira en souriant, c'est la démocratie et il a raison, pour cruelle
qu'elle soit c'est la démocratie, je préciserai amicalement que
c'est sa démocratie.
Tournons nous plutôt vers
l'avenir, toujours pour des raisons de temps, je ne peux évoquer
notre programme et je le regrette. Vous le savez, un long travail
nous attend et il n'est pas nécessaire, selon moi, de perdre les
deux premières années du mandat à écrire un projet de territoire,
érigé à prix d'or par des cabinets parisiens qui décriront, dans
deux ans, ce qu'il faut faire, c'est à dire ce que nous proposons.
Au sortir de la crise Covid, il y a une urgence, si je suis élu,
nous nous mettrons au boulot pour faire ce que l'on a décidé tous
ensemble. Et s'il faut remettre en cause certains projets, nous le
ferons également avec méthode, respect du passé et de l'avenir.
J'y arrive.
Malheureusement, la
campagne s'est focalisée sur un seul thème, le port de
Bretignolles, je le regrette bien, au vu des défis qui nous
attendent, il y avait probablement mieux à faire. Sur la réputation
sulfureuse du projet de port de Bretignolles, mon ami François a
décidé de sacrifier ce dossier sur le thème de ses ambitions. En
fait le port de Bretignolles et son image lui offrent une fenêtre de
tir sur un temps très court pour avoir l'opportunité et donc le
prétexte. François a toujours soutenu le port, il a toujours voté
tous les budgets et sait que le dossier est consolidé, il refuse la
proposition que je lui ai faite de laisser le temps aux élus de
l'ouvrir, il prétend qu'ils n'en veulent pas. Au vu de ce qu'ils ont
vu ou entendu, c'est pas surprenant, nous aussi nous ne voulons pas
du port que François décrit comme étant un futur gouffre
financier, m'obligeant à vous adresser hier soir quelques
précisions. Je le rejoins sur un point important, la donne
démographique a changé, le PSG comme nous l'appelons entre nous, le
Pays de Saint-Gilles compte 28 nouveaux élus qui doivent être
entendus, pour moi il n'y a aucune ambiguïté. Désormais, c'est à
eux de décider de ce qui est bien pour notre territoire et de ce qui
ne l'est pas. Cela doit se faire avec une méthode et respect en
tenant compte de la volonté des électeurs, je n'ai jamais eu
d'autre conception de la démocratie. C'est pourquoi j'ai proposé la
création d'une commission dédiée composée des dix nouveaux maires
et des deux nouveaux élus qui ont toujours affiché une opposition
au projet de port. Elle devra, sur une période de 6 mois, étudier
ce dossier, auditionner les parties pour ou contre, consulter les
entreprises, voir ou revoir les experts sur certains sujets. En
parfaite indépendance, cette commission et uniquement cette
commission devra proposer des solutions acceptables pour tous, elle
aura le pouvoir d'y mettre un terme définitif, elle pourra le faire
à tout moment sur cette période. Je précise que je n'y
participerai pas pour mon plus grand bonheur. Peut-on faire plus
clair et plus loyal, je ne pense pas, c'est la démocratie que
j'aime.
J'appelle mes collègues à
ne pas confondre avis de citoyen et responsabilité d'élu. L'avis de
citoyen et même souvent de la vox populi, des amis, des réseaux
sociaux, de la presse, chacun conviendra qu'il est souvent très
partisan et peu documenté. La responsabilité de l'élu, c'est de
prendre un peu de hauteur, d'ouvrir le dossier, de l'étudier, de
vérifier si les infos sont bonnes et la légitimité du parcours
démocratique. Une fois que l'on a fait cela et uniquement après,
l'élu décide. De toute façon on ne pourra pas faire autrement. Si
le futur président ne met pas en place une méthode respectée pour
sortir de ce dossier sans blesser, nous courrons à la division.
Jamais les Bretignollais
ne laisseront saborder 20 ans de participation citoyenne, des
millions d'euros dépensés, des années de sacrifice, de sueur, de
joie et de peine. En procédant de la sorte , vous ne ferez que
remplacer la colère des opposants par celle de ceux beaucoup plus
nombreux qui soutiennent ce dossier. Jamais les anciens élus
n'accepteront d'être déjugés violemment. Autant, mes chers
collègues, sans l'avoir ouvert, refermer ce dossier d'un revers de
main pour satisfaire de petits arrangements électoraux !
Croyez-vous que les
entreprises du Pays de Saint-Gilles qui travaillent, pour certaines,
depuis 15 ans sur ce dossier et ont dépensé des centaines de
milliers d'euros vont accepter un moratoire où chacun sait qu'il
signerait l'arrêt de mort du dossier ?
A l'aube d'une crise
économique sans précédent, stopper un tel projet, de manière
arbitraire, est-il une façon de soutenir l'emploi ?
Si l'avis est majoritaire
pour abandonner le projet, êtes vous sûr que le maire de
Saint-Gilles, qui souhaiterait engager 12 millions d'euros
communautaires dans son port est mieux placé ?
Mesdames et messieurs, si
ce dossier doit se refermer, je le refermerai, c'est à moi et à
personne d'autre de le faire. Je dispose de la confiance de 4000
adhérents de "Bretignolles
Veut Son Port", je
suis prêt, ma décision est prise. Je suis disposé à mettre un
terme à ce projet qui divise, et passez-moi l'expression, qui
bousille ma vie et celle de ma famille depuis trop longtemps.
L'arrêter sera un soulagement, la fin d'un cauchemar personnel. Si
vous me confiez cette mission, je la remplirai sans état d'âme et
avec bienveillance, c'est à moi de rencontrer les conseillers
municipaux des 3 mandats qui ont construit ce projet, de leur
expliquer pourquoi vous avez pris cette décision. Mon seul objectif
désormais, c'est d'éviter la division et de refermer ce dossier
dignement. François va vous dire que lui aussi il fera pareil, il
sera bienveillant sur la méthode, on peut lui faire confiance, on
vient de le vivre, les méthodes douces il connaît.
Mesdames et messieurs, il
n'y a qu'à moi que les Bretignollais pardonneront, ce soir la
question à laquelle vous devez répondre : qui de François ou de
Christophe est le plus légitime pour fermer ce dossier sans diviser
le pays. Je vous demande solennellement de me confier cette mission,
c'est mon devoir, c'est ma démocratie.
J'en termine à présent.
J'ai organisé ma succession à Bretignolles pour envisager
m'investir à la communauté de communes qui demande toujours plus de
présence. Si vous votez pour moi, libéré de ma fonction de maire
et du dossier de port, sans aucune autre ambition politique, je
viendrai vers vous, avec vous, dans vos communes, pour faire mieux
connaître notre collectivité, mon travail sera celui d'un homme de
terrain. Avec les dotations financières que nous modifierons,
j'irai, dès la semaine prochaine, valider de nouveaux projets sur
les communes du rétro-littoral.
Mesdames et messieurs,
dans quelques minutes il y aura un vainqueur, quel qu'il soit, notre
beau pays qui vient de vivre un mandat fabuleux, sera le grand
perdant de cette soirée, j'en suis désolé mes amis. Dès demain,
il faudra panser les plaies. Si je gagne, je m'emploierai à recoller
les morceaux d'une histoire coupée en deux, je ne laisserai personne
en chemin. A vous les Hilairois, je tendrai la main dès lundi, j'ai
bien compris que Jean-Yves et mes amis de Saint-Hilaire avaient
changé d'alliance mais moi je n'ai pas changé vis à vis de
Saint-Hilaire-de-Riez et j'ai gardé la mémoire le jour où
ensemble, il y a 14 ans, sous l'impulsion de Jacques Fraysse,
rassembleur, vous m'avez confié la mission d'unir nos deux
communautés et de veiller à la longévité de cette union, tu y
étais Jean-Yves, tu y étais Chantal. La loyauté et la fidélité,
c'est ma démocratie. Je ne laisserai pas Saint-Gilles en chemin, à
60 ans, désormais apaisé, je possède la sagesse et le soutien pour
pardonner, les élus de Saint-Gilles sont mes amis d'hier et ils
seront ceux de demain. Il n'y pas d'autre option pour la sérénité
et la réussite de notre beau pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.
Je vous remercie »
François Blanchet, au
cours de son discours s'était posé en rassembleur évoquant « une
nouvelle méthode de gouvernance que nous élaborerons tous ensemble
» avec le souhait de tourner la page : « nous devons revoir nos
priorités pour appréhender le monde de demain. La crise sanitaire
nous oblige à réinventer notre projet de territoire ».
Dans une partie de son
discours, il avait marqué sa différence avec Christophe Chabot et
avait abordé le projet de port de plaisance de Bretignolles en y
consacrant peu de temps comme s'il voulait démontrer qu'il n'était
pas le sujet majeur, d'intérêt général, au Pays de
Saint-Gilles-Croix-de-Vie : « je ne serai pas le président du
littoral, je serai le président des 14 communes du Pays de
Sain-Gilles-Croix-de-Vie et jamais, au grand jamais, je ne
privilégierai certaines villes par rapport à d'autres. Il n'y aura
pas de guerre entre le rétro-littoral et le littoral, il n'y aura
pas de conflit entre les communes rurales et celles de la côte. Je
serai le président de tous sans favoriser personne mais en aidant
chacun de façon équitable, j'en prends l'engagement devant vous ce
soir …
Par le passé, j'ai toujours soutenu le projet de port de
plaisance de Bretignolles-sur-Mer, comme l'a dit Christophe, j'ai
toujours voté en sa faveur. Je pense que nous devons désormais,
tous en conscience, revoir nos priorités. Il me paraît aujourd'hui
trop hasardeux d'engager plusieurs dizaines de millions d'euros dans
cet unique projet. Je pense très sincèrement que nous devons
prendre le temps de la réflexion pour nous recentrer sur l'intérêt
général, pour accompagner nos entreprises sinistrées par la crise,
pour être aux côtés de nos habitants et pour soutenir les plus
fragiles. La crise sanitaire, on le voit bien, se transforme en crise
économique et sociale dont on ne peut pas encore évaluer l'ampleur.
Nous ne pouvons pas faire comme si rien n'avait changé. Je
proposerai donc au conseil communautaire d'adopter un moratoire sur
le port de plaisance de Bretignolles-sur-Mer, d'attendre le résultat
des recours avant d'aller plus loin. Si les élus le souhaitent, nous
pourrons également organiser un référendum dans les 14 communes du
Pays de Saint-Gilles-Croix-de-Vie »
Lors du vote des élus
communautaires, François Blanchet avait obtenu la majorité absolue
avec 26 votes, ce qui avait été reçu comme une délivrance par
tous les opposants à Christophe Chabot et comme un choc par tous ses
partisans.
François Blanchet était
donc le nouveau président de la communauté de communes du Pays de
Saint-Gilles-Croix-de-Vie.
Les médias locaux avaient
donné la parole aux deux candidats pour une réaction immédiate
après l'élection.
Christophe Chabot : « ce
soir, j’ai la réaction d’un homme qui s’était préparé, qui
avait compris depuis quelques jours quel serait le résultat. En
réalité, je suis soulagé que tout ce cirque s’arrête pour moi,
je sais me battre contre mes ennemis, mais pas contre mes amis. Cela
sonne comme une fin de parcours et je vais probablement arrêter.
Tout le monde s’est focalisé sur le projet de port, mais si l’on
regarde l’ensemble des réalisations accomplies depuis 10 ans sur
le Pays de Saint-Gilles, je peux partir la tête haute, sans rancune
et sans amertume. Il faut laisser la place aux jeunes. Quand vais-je
me retirer ? Je vais poser la question aux élus de Bretignolles, je
prendrai ma décision en concertation avec eux »
François Blanchet : « je
suis très heureux, nous allons pouvoir partir sur un nouveau projet
de gouvernance intercommunale. La campagne a été difficile, mais
maintenant, nous allons panser les blessures, et pouvoir travailler
dans un climat sain et apaisé avec les quatorze communes. Nous
devons tenir une réunion de bureau (le 23 juillet) et un conseil communautaire (le 30 juillet) avant la pause estivale, puis nous
reprendrons les dossiers de plus belle dès début septembre.
Concernant le port de Bretignolles, quelle que soit la décision
finale, nous devons avoir réglé le problème dans une année. »
A cet instant, la
stratégie de Christophe Chabot s'effondrait.
Il avait distribué les
rôles, Frédéric Fouquet à la mairie de Bretignolles et lui à la
présidence de la communauté de communes du Pays de
Saint-Gilles-Croix-de-Vie, pour garder tous les pouvoirs sur le
territoire et pour mener à terme son projet de port de plaisance de
Bretignolles-sur-Mer.
Son pari avait échoué et il n'était plus
qu'un simple conseiller municipal et communautaire, ce qui était une
véritable humiliation pour lui.
Qu'allait-il faire désormais ?
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